Les partitions musicales constituent des documents dont l'informatisation
pose des problèmes difficiles, relevant de plusieurs branches de
l'informatique.
Une première série de problèmes relève de la typographie numérique.
Il faut remarquer que
la notation musicale n'a pas été préalablement
standardisée par l'imprimerie (ou quelqu'autre moyen de reproduction) autant
que l'ont été les écritures alphabétiques. Tout au contraire, alors que les
notations musicales médiévales et renaissance auraient pu subir sans trop de
peine le carcan de la police de caractères, le baroque et le classicisme
emmenèrent les partitions vers une liberté graphique que la typographie
refusait dorénavant aux alphabets. Cette évolution fut stoppée seulement à
l'époque du romantisme, où la demande croissante de partitions, contemporaine
des progrès de la facture instrumentale, exigea une rationalisation de la
production. Jusqu'alors entièrement manuelle, la gravure de partitions recourt
alors à des poinçons, qui fixe dans l'esthétique du moment une graphie
musicale qui nous paraît aujourd'hui la seule possible. L'informatisation des
partitions est donc confrontée à un double problème:
1. le nouveau support qu'elle offre doit-il renouer avec l'esthétique
contemporaine de l'1#1uvre, en lui donnant rétrospectivement l'outil de
reproduction qui lui aurait permis d'échapper à une esthétique anachronique ?
2. est-t-il seulement possible de rendre par des moyens informatiques
la vivacité du geste du graveur ou du compositeur ?
Le premier chapitre de cette étude répond positivement à ces deux questions.
Il commence par un historique de la notation musicale concluant sur la
nécessité de disposer, comme pour les textes alphabétiques, de plusieurs
polices dans un éditeur de partitions. Il se poursuit par la réalisation dans
un langage de programmation, fort d'une riche interaction mais encore modeste
dans sa qualité graphique, Java, d'un interprète d'un langage ayant le profil
inverse, Postscript. Il s'achève par deux études consacrées à des signes
musicaux de taille extensible, donc non intégrables à une simple police de
caractères: le lien baroque et le coulé. La première résulte d'un travail avec
un graphiste professionnel, dont les dessins ont été numérisés et sont
déformés à la volée selon un algorithme respectueux de leur ductus. La
seconde consiste en un outil destiné aux non-graphistes, permettant de
construire, par disposition interactive de points de contrôle, des courbes de
Bézier d'épaisseur variable.
Une deuxième série de problèmes relève des normes de codage. Si
pour le texte l'ASCII s'est rapidement imposé comme alphabet normalisé, jusqu'à devenir
sous-ensemble des familles d'alphabets plus larges comme les ISO-LATIN
ou UNICODE, l'ensemble des signes nécessaires à l'édition des partitions
reste flou, a fortiori leur classement en vue de changements de police
transparents. L'existence de signes fortement dépendants du contexte induit le
recours au dessin à certains endroits, ouvrant la porte à tous les formats
maison, voire au ravalement de la partition à un pur dessin, avec tout ce
que cela entraine comme coût d'archivage et de transmission, et
d'impossibilité d'édition incrémentale et d'indexation sur des critères
musicaux.
Le deuxième chapitre aborde cette question en proposant un classement des
formats d'archivage et des critères pour l'évaluation des logiciels
d'éditions de partitions. Il détermine ensuite les contraintes auxquelles
doit se soumettre une bonne représentation interne de la partition. Il
décrit ensuite les commandes minimales d'un éditeur écrit en Java. Enfin,
il s'intéresse à la justification automatique des partitions multi-portées.
Une troisième série de problèmes est liée à l'accessibilité par réseau. Si
l'on s'impose ce besoin, la représentation de la partition sous forme d'image
devient totalement inacceptable, car induisant des temps de chargement trop
longs. Le partage des signes sous forme d'une police de caractères et de
quelques dessins contextuels est indispensable, mais se pose alors le problème
de leur disponibilité sur les différentes machines du réseau. Le troisième
chapitre propose un éditeur à polices musicales téléchargeable
accessible à travers un navigateur Web quelconque, fonctionnant sous un
système d'exploitation quelconque. Cette solution résoud le problème du
portage de logiciel sur différentes plate-formes: éditer une partition revient
implicitement à télécharger l'intégralité des outils d'édition sur un site,
ce qui évite tout problème d'incompatibilité de versions. Les problèmes de
sécurité posés par le réseau demandent toutefois certaines précautions qui
sont décrites en détail dans le troisième chapitre.
Parvenu à ce stade, la question de l'édition distribuée ou coopérative des partitions se pose d'évidence. Nous donnons plusieurs
situations concrètes, étudiées avec un graveur professionnel,
montrant que la prise en compte de cette situation
répond à des besoins chez les professionnels de la musique. Nous examinons
ensuite les problèmes de synchronisation spécifiques à notre application,
et donnons quelques solutions.
En conclusion, on listera quelques problèmes ouverts.